Le mot de la biologie : les liens entre la tombée de la nuit et la violence (Le Cerveau crépusculaire)
Une perspective toute nouvelle, qui éclaire le mythe sous un nouveau jour :
« Le cerveau crépusculaire (chronique 79) », par Christophe Rodo. Publié sur Cerveau en argot, le 10/12/2018. Consulté le 16/01/2019. Lien : https://cervenargo.hypotheses.org/2454.
Merci à Christophe Rodo pour son travail et ses explications.
"De nombreuses légendes à travers le monde, décrivent l’existence d’êtres qui une fois la nuit venue se transforment en véritables monstres débordant de violence, il se pourrait bien que derrière ces mythes se cache une part de réalité, un mécanisme cérébral responsable d’une exacerbation des comportements violents une fois la nuit venue.
« Le cerveau crépusculaire (chronique 79) », par Christophe Rodo. Publié sur Cerveau en argot, le 10/12/2018. Consulté le 16/01/2019. Lien : https://cervenargo.hypotheses.org/2454.
Merci à Christophe Rodo pour son travail et ses explications.
"De nombreuses légendes à travers le monde, décrivent l’existence d’êtres qui une fois la nuit venue se transforment en véritables monstres débordant de violence, il se pourrait bien que derrière ces mythes se cache une part de réalité, un mécanisme cérébral responsable d’une exacerbation des comportements violents une fois la nuit venue.
Certaines personnes se transforment-elles en
monstres de violence une fois la journée terminée ? Existe-t-il
réellement un mécanisme physiologique, un mécanisme cérébral qui
pourrait être responsable d’une exacerbation de nos comportements
violents en fin de journée, une fois la nuit venue ?
Du fin fond des forêts américaines aux étendue
désertique du Kenya en passant par les plaines gelées du Danemark,
de nombreuses légendes existent autour d'êtres que nous nommons
loups-garous. Qu'elle soit due à une malédiction, à un rituel, à
la morsure d'un loup ou d'un lycanthrope, la légende du loup-garou
renvoie à l'idée que dans certaines conditions, une fois le soleil
couché, une fois la nuit venue, des humains puissent se transformer
en bête monstrueuse débordant de violence, responsable de
massacres, d'enlèvements et de meurtres avant de reprendre une forme
humaine et normale, une fois la nuit terminée et le jour revenu.
Derrière ces folklores et ces mythes, il est
intéressant de se demander si il existerait une part de réalité,
un ancrage biologique à tout cela. Certaines personnes se
transforment-elles en monstres de violence une fois la journée
terminée ? Existe-t-il réellement un mécanisme physiologique, un
mécanisme cérébral qui pourrait être responsable d’une
exacerbation de nos comportements violents en fin de journée, une
fois la nuit venue ?
Un grand nombre de fonctions physiologiques et
cognitives, comme la température corporelle, l'alternance
veille-sommeil ou encore la mémoire, sont soumises à un rythme, à
un cycle d'environ 24 heures fluctuant au cours de la journée. Ce
rythme, ce tempo est imposé à l'organisme par une horloge interne
dont un des principaux centres se trouve niché au cœur de notre
cerveau, dans une structure cérébrale nommée noyau
suprachiasmatique. En se situant au-dessus des structures cérébrales
en charge du traitement de la transmission des informations
visuelles, ce noyau suprachiasmatique peut ainsi se synchroniser avec
la lumière du jour. Loin des loups-garous et autres mythes
similaires, une équipe internationale de chercheurs s'est intéressée
aux liens existant entre l'horloge interne de l'organisme et la
propension des comportements violents et agressifs.
Dans une étude publiée en avril 2018, dans la
revue scientifique « nature and science », les
scientifiques ont identifié chez les souris une connexion anatomique
indirecte reliant le noyau suprachiasmatique, acteur de l'horloge
interne, à une autre structure cérébrale nommée le noyau
ventromédian de l'hypothalamus, qui, lui, participe à la régulation
des comportements agressifs. À la jonction entre ces deux
structures, les chercheurs ont mis en évidence qu'il existerait une
troisième structure servant d'intermédiaire. Cette structure se
nomme la zone sous paraventriculaire.
Si je résume, dans le cerveau, il existerait une
région cérébrale participant à notre horloge biologique interne,
guidant le fonctionnement de l'organisme, mais sensible à la lumière
du soleil, qui se nomme le noyau suprachiasmatique. Une autre
structure, nommée le noyau ventromédian de l'hypothalamus,
participe à la régulation des comportements agressifs. Et entre ces
deux structures, un troisième acteur, une troisième structure du
nom de zone sous paraventriculaire mettant en communication le noyau
suprachiasmatique de l'horloge interne et le noyau ventromédian de
l'hypothalamus régulant les comportements agressifs.
En s'intéressant au fonctionnement des régions
cérébrales, les résultats de cette étude sont très intéressants,
et à plusieurs égards.
Premièrement, en observant le comportement des
souris, les scientifiques ont constaté que les comportements
agressifs fluctuent au cours de la journée. Assez calmes au début
de la journée, les comportements agressifs devenaient plus
importants, plus fréquents une fois le soleil couché et la nuit
débutant. En mesurant l'activité du noyau suprachiasmatique, dont
le fonctionnement est modulé par la présence de la lumière du
jour, les chercheurs ont également constaté que ce noyau avait une
forte activité en début de journée et que cette activité était
nettement moins importante en fin de journée et en début de nuit.
Deuxièmement, les chercheurs ont également observé
qu'en bloquant la zone sous paraventriculaire servant de jonction
entre l'horloge interne du noyau suprachiasmatique et la régulation
des comportements agressifs du noyau ventromédian de l'hypothalamus,
les comportements agressifs des souris étaient bien plus importants.
En le bloquant, l'intermédiaire ne jouant plus son rôle de
médiateur entre l'horloge interne et la régulation des
comportements agressifs, les actes violents se multiplient.
Si je résume, au niveau cérébral, il y aurait une
partie du cerveau, le noyau suprachiasmatique, qui jouerait un rôle
d'horloge interne, permettant de réguler un certain nombre de
fonctions biologiques. Cette structure, cette horloge, serait très
active au début de la journée avec les premiers rayons du soleil.
Cette forte activité permettrait notamment de stimuler la zone sous
paraventriculaire qui elle-même stimulerait le noyau ventromédian
de l'hypothalamus qui régule et calme les comportements agressifs.
Le soleil déclinant, et la nuit s'installant, l'activité du noyau
suprachiasmatique serait moins importante. Par conséquent, la
stimulation de la région intermédiaire, la zone supraventriculaire,
serait elle aussi moins importante, entraînant une régulation moins
notable du noyau ventromédian de l'hypothalamus qui jouerait moins
son rôle de régulateur des comportements agressifs. En d'autres
termes, et de manière un peu caricaturale, il semblerait qu’au
début de la journée l'horloge interne très active puisse être
capable indirectement de participer à réguler et à calmer les
comportements agressifs. Par contre, une fois les rayons du soleil
disparaissant, la nuit s'installant, l'horloge interne moins active
ne serait plus à même d’aussi bien participer à la régulation
des comportements violents – la Bête se réveillant, les actes
agressifs se multipliant.
En conclusion, même si aucune preuve ou observation
ne laisse penser que les loups-garous et autres types de monstres
puissent exister, il est intéressant de constater que le mythe de la
Bête s'éveillant à la tombée de la nuit pourrait avoir une
origine, un ancrage biologique car il semblerait bien exister un lien
entre le moment de la journée et les actes agressifs."
MàJ : 26/03/19
MàJ : 26/03/19
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